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Voyage vers la fin du monde

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3 septembre 2012

20. Par le petit bout du gros orteil

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Selon un ami proche, c’est par là que ça se passe : le petit bout du gros orteil. Celui qui permet de tester. L’eau (pour tester le nutella ça marche moins bien, même si les fétichistes y trouvent leur compte).

C’est cette partie si souvent négligée du corps humain qui nous permettrait ainsi d’apprécier la température de l’eau avant de nous y jeter (ou d’y entrer à la vitesse effarante de 10 cm/minute, c’est selon). L’océan des côtes vendéennes par canicule aoutienne révèle ainsi une fraîcheur certes surprenante, mais plus que bienvenue par 35º à l’ombre, et le corps humain, cette formidable machine, fait ainsi parvenir le message jusqu’à l’autre extrémité : « le gros orteil dit que c’est bon, go go go ! ». Trop d’empressement pourrait cependant surprendre d’autres parties plus frileuses (celles situées entre la cuisse et le nombril, si-vous-voyez-ce-que-je-veux-dire…).

Mais malgré ce souci technique que d’aucuns cherchent à résoudre, nul n’en doute plus au XXIe siècle : le gros orteil est le thermomètre de poche de tout baigneur estivant. Peu importe sa forme, sa pilosité, la couleur de son ongle ou l’état avancé des mycoses qu’il abrite parfois dans la moiteur de l’été: il est toujours le premier à effleurer la surface de l’océan, éclaireur courageux d’un combat méconnu mais néanmoins héroïque, d’une joute intérieure que tout un chacun a vécu au moins une fois : j’y vais ou j’y vais pas ?

Sur la plage, les techniques sont diverses : certains trempent l’orteil, puis le pied, attendent. Puis avancent jusqu’à mi-mollet, voire jusqu’au genou, et font une pause. Attente. Puis nouvelle percée : mi-cuisse. Concentration. Respiration profonde pour aller jusqu’à hauteur du bassin. Sursaut. Sourire crispé vers les camarades de baignade impatients, déjà dans l’eau jusqu’au cou. C’est sans compter sur ce qui fait la marque de fabrique de l’océan : la vague. La stratégie de l’entrée progressive dans l’eau est alors réduite à néant par une vague plus grosse que les autres qui vient vous tremper jusqu’aux os, défaire votre brushing impeccable et achever de vous refroidir.

D’autres, une fois l’orteil trempé, se jettent la tête la première (les plus prudents se seront humidifié la nuque, pensant  réellement se prémunir ainsi contre une hydrocution), devenant alors les stars de scènes cocasses. Qui perdant son bas de maillot lors du plongeon initial, qui se retrouvant échoué tel Willy le cachalot sur le sable faute d’avoir calculé la profondeur des eaux, qui buvant la tasse et crachotant ce qu’il en reste tout en tentant de garder sa dignité, le Blond émergeant quant à lui fier comme Artaban et coiffure impeccable après cette intrépide mise à l’eau.DSC_0099 (Copier)

Les bretons sont les plus courageux et prévoyants, se baignant qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il fasse beau (la dernière option étant la plus rare ?), armés de chaussons néoprène pour déjouer l’attaque du galet pointu ou l’embuscade de l’algue-chausse-trappe, entrant d’un pas décidé, le torse bombé, dans une eau souvent glacée.

Au large, un nageur s’éloigne, les rouleaux de l’ouest de la plage voient se chamailler les bodysurfers du dimanche et surfeurs aguerris à coups de pied, de palme et de planche, le maître-nageur scrute l’horizon depuis sa cabane, des jeunes filles en fleur se tartinent de monoï avant de s’allonger sous le soleil, …

des gamins passent en courant et m’aspergent de sable à chaque passage.

Une journée à la plage, quoi.

 

 

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21 juillet 2012

19. Collages

Si un décollage est assez aisé, bien qu’il demande parfois de prendre son courage à deux mains et de faire un mini saut dans le vide, l’atterrissage n’est pas moins difficile. Plus le voyage est long, plus il semble laborieux de ré-atterrir dans sa vie. Pendant que vous étiez au loin, dans de palpitantes (ou moins palpitantes) aventures, les autres ont poursuivi leurs existences. Le temps ne s’est pas arrêté lors de votre départ, et votre absence n’a pas laissé un trou béant dans les cœurs et journées de ceux qui vous entourent (n’en déplaise à votre égoïsme mal placé). Et si trou il y a, puisque la nature a horreur du vide, il est rapidement comblé.

A vous de le recreuser pour vous refaire une place doucement mais sûrement dans la vie des gens, à coup de signalements plus ou moins évidents - de timides « youhouh, je suis là » que vous émettez avec la mini-bêche-téléphone portable ou la binette virtuelle de facebook. Vous prenez d’ailleurs le risque du râteau en essayant de tracer de nouveaux sillons dans des vies croisées outre-Atlantique, pensant à tort que les conversations de coin de table de là-bas pourraient se transformer en amitiés ici-bas. Mais n’est pas jardinier qui veut, et la bière, qu’elle soit du Canada ou des USA, n’a jamais fait pousser autre chose que la gueule de bois.

Tout est question de rythme. Retrouver difficilement un tempo après avoir vécu sur un autre fuseau horaire sans heures fixes pour régler vos journées pendant des semaines, reconstruire un cocon, même provisoire, où se lover les soirs de pluie, rouvrir les yeux et reprendre goût au quotidien, pour peu à peu laisser le temps aux amis (ou plutôt aux Amis) de vous réapprivoiser après ces mois passés en solitaire.

Le moment vient alors de jeter aux orties la binette et la mini-bêche, devenues inutiles une fois que vous avez refait votre trou, réassemblant d’un geste lent et maladroit les pièces du puzzle de votre vie tourangelle mélangées après départ pour le lointain, pour former au retour une image semblable et différente, mouvante et rassurante.

Le dé-collage, on l’oublie parfois, suppose de re-coller quelques morceaux après l’atterrissage, pour s’arrimer sereinement aux lieux et êtres qui comptent, sous peine de ne plus vraiment revenir sur terre et de vagabonder sans attaches et sans but (et sans joie ?)…   

16 mai 2012

18. Retourne tes poches de pantalon

      Note dDSC_1199e l’éditeur : cette note, ironie du sort, est tombée dans une faille spatio-temporelle.

     Bien   que postée aujourd’hui elle se réfère en effet à des éléments datant de plus d’un mois.

 

 

 

Point besoin de DeLorean. Une Nissan de location suffira. Pas de réacteur nucléaire ni de coup de foudre : à la place, une essence servie par gallons. Utah, village de Shonto. Lake Powell, Arizona. Entre les deux États coupés au cordeau, la frontière est également temporelle : lorsqu’il est 16h en Utah, il est 15h en Arizona (qui, tout le monde le sait, est un État d’Amérique dans lequel Harry zona).

Willy nous attend, ma covoyageuse et moi, entre 17h et 18h à Bridgewater, aux environs du lac, et il nous met en garde contre le changement d’heure.

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Arrivées sur les rives d’un lac Powell frisquet, nous remettons les pendules à l’heure. Le sable s’écoule sous nos pieds pendant que nous traversons le canyon de l’Antilope. 17h, nous sommes presque en avance à Bridgewater. Willy est néanmoins sur le point de partir car il est pour lui 18h.. A quelques miles de distance, en remontant vers le nord, nous sommes repassées en Utah sans le savoir, perdant une heure à l’insu de notre plein gré.

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Les allers-retours quotidiens qui suivront nous font voyager constamment à travers le temps, dans une 4e dimension que nous peinons à maîtriser, et sans physique quantique ni capsule spatiale ! Bien qu’il faille souligner les pouvoirs paranormaux de la Nissan grise qui nous sert de vaisseau : dès qu’une phrase pleine de sens et de solennité y est prononcée, le contraire se produit. « La piste est enfin plus facile ». Aussitôt les nids de poule la repeuplent. « Mince, il n’y a plus de station essence dans ce coin ». Les pompes pointent alors le bout de leurs tuyaux. Notons toutefois que le « il n’y a jamais de valises de billets de banque sur la route » n’a pas donné de résultat.

 

La Californie n’a pas bougé, mais là aussi le temps fait des siennes.  À 10h un mardi sur la plage ensoleillée de Venice Beach, à 17h sous une grêle sans fin vers Sacramento, le lendemain matin sous la neige persistante du Lake Tahoe, où la musique de crooner sortant des hauts parleurs du café n’arrive pas à faire fondre la neige accumulée sur les branches des sapins (qui me donnent envie de fredonner jingle bells, mais je me retiens).  

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En quelques heures de vol depuis San Francisco jusqu’à new York je remonte finalement le cours du temps de quelques heures pour me rapprocher dangereusement du retour à la réalité laborieuse. Mais celui-ci attendra encore quelques jours et un nouveau saut. D’ici là, après les paysages éblouissants et atemporels de la côte Ouest, l’Est m’attend, avec son histoire courte vantée par chacune des grandes villes que je traverse…

 

Ps : une référence musicale s’est cachée dans ce texte, la retrouveras-tu, fidèle lecteur ?

14 avril 2012

17. Rat des villes

L.A. n’était pas au programme. Mais l’annulation de dernière minute de l’expédition dans la Vallée de la Mort m’aura finalement amenée dans la Cité des Anges.

Le manque d’enthousiasme s’estompe cependant rapidement à mesure que le bus pénètre dans la métropole californienne.

La fillde la campagne que je suis n’est pas un mulot des champs  mais plutôt, sans aucun doute, un rat des villes. Ou plutôt : une petite souricette des villes (c’est plus mignon).

Certains diront que les grandes villes sont stressantes, mais lorsqu’il s’agit de les découvrir, la tension qui s’installe en vous est électrisante, avant le saut dans l’inconnu. Ne pas louper l’arrêt de bus. Et si on le loupe, revenir à pied jusqu’au bon endroit.

Naviguer entre les habitués du trottoir, mais sans boussole. Lever les yeux plutôt que de les laisser fixés sur ses pieds. Écouter les klaxons, les sirènes, les cris, les chuchotements,  en laissant l’ipod noyé au fond d’un sac à dos d’où il ne sort que rarement.

Tendre une oreille indiscrète pour discerner les conversations autochtones dans le brouhaha ronronnant du quotidien urbain.

Jouer à celui qui sait, après quelques heures. Se diriger fièrement vers la bonne ligne de métro pour rentrer… avant de se tromper encore une fois et revenir sur ses pas.

Regarder défiler les rues sur l’écran des vitres de l’autobus. Lire les gros titres des journaux locaux, lire les publicités géantes, lire les consignes de sécurité du métro, lire les prospectus distribués dans la rue, lire les petits caractères au dos du billet, lire les prix et noms des produits au supermarché.

Tout est neuf, ou presque.

L’excitation de la découverte ne fait pas disparaître la grande ville, quelle qu’elle soit. Les citadins courent vers leur travail, se ruent vers leurs maisons. Les autos se bousculent bruyamment, les piétons s’impatientent au feu, les vendeurs sont plus ou moins honnêtes, les mendiants et leur misère nous regardent en face alors que vous détournez le regard.

L.A., surveillée par ses collines et rafraichies par l’océan, étendant ses tentacules sur plus de 1.200 km2, malgré ses palmiers, n’échappe pas à la règle.

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8 avril 2012

16. Doc'

Après deux heures de route sans avoir croisé ni âme qui vive, ni habitation, Kayenta fait son apparition. Le relais-poste et ses pompes à essence, qui ont remplace depuis longtemps les abreuvoirs pour le Poney Express, nous indiquent à S. et à moi que nous approchons du but : Shonto.

Plusieurs miles encore, une éolienne, quelques mobil homes dans des chemins de terre ou de poussière. Le centre de santé qui prodigue ses soins à la communauté navajo précède le petit lotissement où ses médecins sont logés.

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Le nº2010 nous accueille, au son des carillons agités par un vent du désert infatigable. Dans ce quasi no man’s land, la maison prend vie sous les coups de pinceau et de burin. L’art fourmille jusque sous les interrupteurs, par la grâce de Chip, médecin occupant les lieux. Rastas courtes et lunettes noires à large monture, tel un Tété noir américain âgé de quelques années supplémentaires, le vieil homme dans son désert a réussi à créer un îlot de sagesse et de création, au beau milieu de nulle part. Assis dans des vieux sièges de cinéma, le jazz-flamenco s’écoule tranquillement sous les regards statiques des statues cachées dans les recoins et des photographies placidement accrochées au mur.

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Le caléidoscope, les dés et autres jouets à ressort  attendent silencieusement sur le bar de la cuisine, titillant nos réflexes enfantins, pendant que la poêlée d’oignons, champignons, ail et gingembre  frémit d’impatience  sur la gazinière pour accompagner le riz et le poulet grillé à la sauce jamaïcaine.

Alors que la nuit tombe et que le vent redouble, la bossa nova déverse ses notes entre les pieds nus du marabout moderne artiste exilé en terres indiennes, qui battent au rythme de la nuit éclairée par la pleine lune.

 

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5 avril 2012

15. Un poumon dans l'Utah

Alors que les sentiers du parc d’Arches sont larges et policés, pour permettre aux familles en vadrouille d’arpenter les lieux, Canyonlands est plus rude.

La loi de Murphy ne s’applique pas au circuit du même nom, qui m’amène à démontrer mon légendaire sens de l’équilibre et mon agilité digne d’un bouquetin dans la fleur de l’âge.

Le vertige n’a pas sa place, trop concentrée qu’est la randonneuse (oui, je parle de moi à la 3e personne si je veux, na !) à poser le pied sur le bon rocher. Les marches taillées dans la roche font en effet bientôt place à des amoncellements de toutes sortes. Et lorsque le pas se fait plus habile, c’est le regard qui doit s’escrimer à retrouver, caché dans ce paysage primitif, le petit amoncellement de cailloux né d’une main humaine pour indiquer le chemin à suivre – le Petit Poucet n’a qu’à bien se tenir !

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La remontée est plus ardue : le chamois des plaines que je suis n’est pas habitué à l’altitude. Je vous vois venir avec vos gros sabots : « de toutes façons elle n’est pas habituée à la rando et pis c’est tout ! » - ni l’un ni l’autre, effectivement, ce qui multiplie par deux la difficulté de cette remontée non mécanique !

En ayant une pensée émue pour Marie, qui connut les mêmes affres sur les flancs d’un volcan guatémaltèque, et pour Charlotte qui m’a vue dans un état similaire il y a à peu près un an, je gravis donc à grand peine, après déjà plus de trois heures de marche, le Canyon Murphy. Les jambes gémissent, les muscles crissent, et surtout, l’air joue à cache à cache avec mes alvéoles, qui cherchent désespérément l’oxygène à plus de 1.000 mètres d’altitude.

Un chercheur généticien, s’il m’avait croisée durant cette heure et demie d’ascension avec mon visage rougeaud et mon souffle court, aurait pu vouloir m’intégrer illico à son panel de cobayes pour que je participe à la lutte contre la mucoviscidose.

Après avoir plusieurs fois pensé que j’allais laisser (en réalité je pensais que j’allais cracher, mais c’est moins glamour) je reprends : après avoir pensé plusieurs fois que j’allais laisser un poumon dans l’Utah, je me suis promis une chose : ne jamais commencer à fumer !

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4 avril 2012

14. Slow Motion Hulk

À 45 miles par heure, sur les routes qui mènent vers l’Utah, quand les panneaux nous limitent à 65 m/h, S. roule à l’économie.
Plus que rouler à l’économie, il serait d’ailleurs plus juste de dire que S. vit à l’économie. Hippie célibataire proche de la cinquantaine, cheveux courts et lunettes de magicien anglais pré pubère, le vendeur de t-shirts non assermenté semble vivre sur un petit pied (un piétounet en quelque sorte, pour employer un terme plus littéraire).

Sa réticence à aller dans les parcs nationaux, en raison du prix d’entrée, et son allusion à la nourriture gratuite récupérée pour le voyage, me l’avaient déjà laissé entrevoir. La rencontre en personne et les derniers préparatifs me l’ont confirmé. Arrivée à 11h, je dois patienter dans la ville bohème de Boulder que mon covoitureur prépare ses affaires seul, car ma présence étrange étrangère le distrait. À 15h, alors que j’espère que nous prendrons la route rapidement pour planter la tente sous les derniers rayons du soleil de l’Utah, S. m’indique qu’il serait judicieux de profiter du repas gratuit servi à 17h au centre-ville. Me voici donc, européenne bien portante et garnie de dollars, dans la file du dispensaire de l’église protestante, pour me voir servir un copieux repas, sous les regards compatissants des bénévoles. Mon futur hôte et compagnon de voyage ne semble pas gêné outre-mesure par la situation, tout heureux qu’il est de profiter d’un repas gratuit.

Au son de Grateful Dead, la route est longue. Le groupe leader hippie et surtout dealer de LSD suivi par ses foules de fans chevelus béats rythme les six heures de route qui précèdent l’installation de la tente à une heure du matin dans un camp quelconque, sous les phares de la voiture.

S’il y a bien une chose cependant sur laquelle S. n’est pas économe, c’est la marijuana. Légalisée pour usage médical dans l’État du Colorado, devenu l’Eldorado des fumeurs de joints, elle rythme les journées de S., adepte d’une herbe qu’il prétend être énergisante, au point de le transformer en véritable Hulk, ce qui ne manque pas de susciter, à chaque séance herbicole, des sons gutturaux parsemés de blagues lassantes sur « Hulk beats horses, Hulk beats cars, Hulk beats everythin’».

les pauses, durant les six heures de randonnée quotidienne, sont bien plus souvent des pauses fumette que des breaks motivés par la fatigue. À 4h20, il est impensable de ne pas s’arrêter : en référence au code 4-20 utilisé par la police pour les fumeurs de substances illicites, 16h20, mais aussi le 4 avril (4/20 en format anglais), le hippie désargenté se fait un devoir de célébrer ces chiffres talismans des fumeurs de Boulder et d’ailleurs.
Le peu de conversation de mon guide et l’incohérence de ses rares monologues me font penser qu’il a commencé à pratiquer ces rituels il y a déjà un peu trop longtemps.


Le solitaire a ses habitudes de campeur que je perturbe. L'air pur et la compagnie européenne m’attendent à Moab, que je m’empresse de rejoindre par lassitude et fatigue à la simple idée de passer une nouvelle soirée silencieuse et inconfortable, devant puis sous la tente igloo posée sur les terres chaudes de l’Utah.

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30 mars 2012

13. Denver Deeper Underground

La rue piétonne de Denver a triste mine. Au milieu d’immeubles qui, sans être des gratte-ciel, cherchent à chatouiller les nuages avec un manque flagrant d’élégance et de classe. Des commerces, bars, restaurants, pas mal de mendiants et de nombreux passants. Qui ne font que passer.

Il faut attendre le soir et le Mercury Café pour enfin toucher du bout des doigts le Denver digne d’intérêt. Slameurs et poètes du dimanche se succèdent sur l’estrade du Mercury, pour deux ou trois créations chacun. Si certaines femmes entre deux âges et leurs lamentations rimées répondent aux attentes dune veillée poétique aux tendances suicidaires (tendances confirmées par l’adolescente qui annonce sa prochaine récitation au titre « I’m finished »), des textes réveillent tout de même le public.

Soixante-dix et quelques années au compteur, Lenny, pilier du lieu (peut-être pilier de comptoir ?), s’écarte du pupitre pour mieux inciter les badauds à faire bouger le micro – et, accessoirement, leurs vies.

 

Rock the mic’!

Rock the mic’!

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23 mars 2012

12. La marée verte

 

Si la Santa Convention, qu’elle soit new yorkaise ou parisienne, s’habille de rouge, la St Patrick de Chicago fait honneur au vert. La ville entière devient irlandaise.  Popcorn, gelée, œufs, bière… tout devient vert, même les petits hommes (et les grands, d’ailleurs).

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Peu importe leur taille, ceux-ci prennent d’ailleurs leurs désirs pour des réalités, en espérant que s’attribuer de lointaines ascendances irlandaises leur permettra d’embrasser plsu souvent qu’à l’accoutumée, grâce à leur t-shirt  « kiss me, I’m Irish ».

Si la rivière est teinte en vert dès 10h du matin, ce sont les estomacs, les foies et les esprits qui en voient bientôt de toutes les couleurs, au fur et à mesure que les alcools de toutes nationalités défilent dans les gosiers. Les plus avertis (et les plus blasés ?) des habitants délaissent la grande parade irlandaise menée tambour battant par les cornemuses pour aller prendre d’assaut tous les bars de la ville qui, pour l’occasion, laissent pousser les trèfles aux quatre coins de leurs devantures.

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La marée humaine aux couleurs irlandaises se déverse alors dans les rues de la ville, de plus en plus brinquebalante et titubante au fil du passage des heures.

Le tsunami alcoolisé ravage tout sur son passage : la bonne musique, qui dans les karaokés est sacrifiée (j’avoue avoir participé au massacre), l’élégance et la politesse, qui sont noyées sous les paires de fesses et autres raies poilues qui font leur apparition au bestiaire des êtres fantastiques qui peuplent la nuit – leprechauns et autres lutines coquines. Notons que la raie poilue de leprechaun est aussi rare que convoitée par les amateurs éclairés.

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Mais peu importent les succès ou échecs de la chasse au gnome imbibé.

 

Le lendemain ce sera, pour tout le monde, le ressac.

 

23 mars 2012

11. Ce petit frisson

Mercredi 14 mars. En balade sur les quais de Toronto, qui, sous le soleil, se révèle être moins désagréable, je passe par hasard devant un cybercafé. Je décide de profiter de l’occasion pour imprimer mes billets de bus pour le voyage vers Chicago du lendemain, veille de la St Patrick. À la vue de la date d’arrivée à Chicago inscrite sur le billet tout chaud sorti de l’imprimante, un frisson me parcourt l’échine. Je pars ce soir. Il me reste cinq heures pour rentrer à Elmcrest Road (45 minutes de transport), refaire mon sac, nettoyer la chambre qu’on m’a prêtée, me doucher diner repartir contacter la personne qui m’héberge à Chicago …

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Minuit. Le quai de la gare routière, où les passagers doivent se présenter avec une heure d’avance mais où le bus n’arrivera que quinze minutes avant le départ. Puis assise, au chaud, fatiguée, le doux frisson qui précède chez moi l’endormissement ne semble pas vouloir céder sa place à Morphée, et au fil des arrêts successifs et des basses de la musique de mon voisin de derrière, je ne fais que frôler sans jamais l’atteindre le sac de sable du marchand, sous les rires moqueurs de Nounours, Nicolas et cette sotte de Pimprenelle.

 

Windsor, 5h. Point de palais royal. Un tunnel, des barrières, un duty free. Entre mes mains, le Visa Waiver vert, que je n’avais pas vu depuis des années et qui matérialise le passage de la frontière. Ce doux frisson de l’entrée dans l’inconnu me chatouille le bas des reins.

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